Ce n'est pas que la vie s'acharne sur moi mais presque. Je me demande encore ce que j'ai fait au ciel pour me retrouver dans cet état. J'ai toujours fait de bonnes choses dans ma vie, je viens en aide régulièrement aux enfants défavorisés pour leur offrir une meilleure qualité de vie, je suis infirmière aux urgences, je soigne les gens c'est mon quotidien... Et pourtant je n'ai pas la chance d'être heureuse dans ma vie. Je rêve d'avoir un enfant à moi, à chérir, à materner.. J'ai envie de voir mon enfant me courir dans les bras à la sortie de l'école.. De crier MAMAN quand il ne trouve pas quelque chose dans sa chambre ou de me raconter ce qu'il a fait à l'école sur le trajet du retour... Tout ça, je n'y ai pas le droit... Pourquoi? Parce que mon utérus a du mal à fonctionner.. Les piqûres, les fécondations in vitro, et toutes les choses qui sont faites pour procréer tout ça n'a pas l'air de fonctionner... Fausses couches sur fausses couches, c'est difficile de me remettre de ça à chaque fois. Malgré tout, je ne perds pas espoir,  je sais qu'un jour je serais maman, il le faut, je le veux, du plus profond de mon être, je suis faite pour être maman. Ce gros problème a raison de mon couple la plus part du temps... Ruston est présent mais il ne peut pas comprendre ce que je vis, ce que je ressens, j'ai l'impression d'être détraquée et que jamais j'aurais la chance de lui faire un enfant..

Dans ma tête bon nombre de choses cogite... Toutes ces mauvaises pensées gravitent dans mon esprit comme si un hamster prenait un malin plaisir à courir dans sa roue pour me rendre chèvre. J'aime Ruston, je sais qu'il est l'homme de ma vie, je n'en ai jamais eu le moindre doute et pourtant j'ai peur de ne pas être la femme de sa vie... Après tout, je suis pas bonne à lui assurer une descendance.. Il pourrait être tenté d'aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte non? Je sais que ces derniers temps je suis vraiment insupportable, les disputes sont presque devenues notre quotidien à tous les deux.. Je hurle, je casse des verres, des assiettes ou tout autre objet qui se trouve à proximité.. Je suis à bout psychologiquement.

J'ai repris le travail depuis une semaine, après un arrêt maladie. Je retrouve ma routine, je m'occupe de patients qui arrivent aux urgences pour diverses raisons, parfois pour rien, parfois trop tard et souvent juste à temps. Être infirmière en pratiques avancées me donne tellement plus de liberté d'action, c'est la raison pour laquelle je travaille énormément et je ne compte plus les heures supplémentaires que je fais à l'hôpital.
Ce soir c'est l'anniversaire de Ruston. j'avais hésité entre un anniversaire surprise avec tous nos proches ou quelque chose d'un peu plus intime entre lui et moi. C'était la deuxième option que je retins. En repos hebdomadaire aujourd'hui et demain, j'avais passé la journée à organiser quelque chose de bien, quelque chose que Rusty apprécierait. Son cadeau, j'avais économisé des mois pour qu'il puisse avoir sa bécane dont il rêvait, un vieux modèle qui lorgne depuis très longtemps. Le mec qui la vendait m'avait proposé de la ramener chez moi, il était muni d'une remorque, j'avais accepté l'offre. Elle séjournait dans le garage avec un gros noeud rouge que je m'étais embêtée à fabriquer, faute de mieux.
Il était 19h30, mon mari n'allait pas tarder, j'avais hâte qu'il ouvre la porte du garage pour y découvrir son cadeau. Nous n'avions sans doute pas les mêmes passions mais j'acceptais les siennes; les motos c'était son truc et je savais qu'avec cette moto, il allait être ravi. Je sais qu'il la voulait depuis un moment.
J'avais acheté quelques bougies pour un petit repas romantique, pour faire une petite trêve. Nous avions enduré beaucoup de choses en peu de temps.. L'idée de faire une pause ce soir allait nous faire beaucoup de bien j'en suis sûre.

Bougies disposées de part et d'autre de la salle de séjour, une bougie logeait également sur la table de la salle à manger. J'avais prévu un repas assez soft, inutile de mettre les petits plats dans les grands. J'avais préparé un plat italien, du risotto au fromage et en dessert un fondant au chocolat pour que Mister Ryker puisse souffler ses bougies. J'avais mis une jolie robe rouge et des talons, je m'étais faite belle, car c'était fini le côté "laisser aller" que j'avais opté quelques temps. Il allait être surpris et je l'espérais dans le bon sens du terme.
Un peu stressée à l'idée que quelque chose foire ce soir, j'étais quand même surexcitée à l'idée de cette petite soirée improvisée. Les bougies sentaient bon l'air marin, mon odeur préférée. J'étais à la fenêtre à guetter son arrivée, l'oeil rivé sur l'horloge du salon. Il était un peu en retard, comme à mon habitude, au regard de son métier, j'espérais que rien ne lui soit arrivé, je ne m'en remettrais certainement jamais.